À l’heure des bilans de cette 1ere double décennie milléniale (soit 2000-2020 !) passée en musique, me viennent en tête deux figures qui ont révolutionné selon moi le monde de la chanson (et du chant), en s’appuyant sur tout ce que pouvaient leur apporter les nouvelles technologies en matière de musique. Ces artistes sont Thom Yorke et James Blake, et leurs 2 derniers opus ajoutent à nouveau une pierre brillante à leurs édifices respectifs.
Evoquons ici Thom Yorke, que l’on connait bien sûr sous son visage « Radiohead », mais sa carrière solo lui a permis de creuser plus encore ce sillon de l’expérimentation, déjà entamée avec son groupe sur » Ok computer » et plus encore avec « Kid A ».
» Anima » (l’archétype féminin dans l’imaginaire masculin, selon Carl G.Jung), fait suite à 2 sorties solo du chanteur/compositeur déjà remarquées, notamment avec ce 1er coup de maître que représentait « The Eraser » en 2006. Mais entre-temps, Thom Yorke a aussi esquissé un pas de deux avec le producteur fétiche de Radiohead, Nigel Godrich, en créant le groupe Atoms for Peace, et en laissant plus encore de place à la post-production des morceaux. On retrouve donc, à nouveau, une symbiose réussie entre ces deux créateurs, que ce soit dans les textures, le choix des sonorités et la précision des boucles de rythme.
Entrez dans ce « cocon acide » : on y retrouve des rythmes syncopés, des basses ondulantes, un groove nonchalant. Ce champ de pulsations électroniques nous démontre bien qu’Anima est avant tout un disque de chercheur, qui tenterait d’amadouer la sorcellerie des machines…
La voix de Thom Yorke est toujours au cœur du disque, mais son expression s’y révèle plurielle, multiple : toutes les voix du chanteur de Radiohead sont ici convoquées, dans une variété de tons et d’intentions reflétant les prises de positions de l’artiste face aux évolutions technologiques, politiques et sociales dont il est témoin, à moitié acteur, à moitié étranger.
Car le monde qu’il dépeint est bien sombre et dystopique, mais son propos est d’en sortir par le haut, par la beauté… Et pourquoi pas, en dansant dessus…
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Extrait vidéo : le superbe court-métrage de 15’ réalisé par Paul Thomas Anderson (chorégraphies : Damien Jalet). Dans ce film, la présence de Thom Yorke a la saveur burlesque, fragile et bouleversante d’un Buster Keaton…