Il y a 3 ans, le documentariste Clément Cogitore sortait un court-métrage enthousiasmant, dans lequel il filmait des danseurs de krump évoluant sur l’air de la « Danse du Calumet de la paix », extrait d’un opéra de Rameau « Les Indes galantes ». Le krump est une danse hip-hop aux mouvements enragés et syncopés, née dans les quartiers pauvres de Los Angeles au début de ce siècle. On est bien loin a priori de l’opéra baroque du XVIIIème siècle. Pourtant le mariage est si réussi que le directeur de l’Opéra de Paris, Stéphane Lissner, propose à Clément Cogitore de mettre en scène l’intégralité de l’opéra.

Cette œuvre raconte des histoires d’amour contrariées dans quatre pays différents, la Turquie Ottomane, le Pérou Inca, la Perse et enfin  le Canada Indien. Reconnu pour ses qualités musicales, l’opéra a cependant la réputation d’avoir un livret un peu faible. Clément Cogitore, assisté de la chorégraphe Bintou Dembélé, réussit cependant a nous emporter et à nous captiver, en transposant tout à l’époque contemporaine. Si les scènes de krunk reste réservées aux danses finales, d’autres moments nous surprennent positivement. On y trouve notamment le prologue avec son défilé façon voguing, un naufrage faisant écho aux drames des migrants actuels, une foule adorant un écran-soleil…. Les danseurs sont présent quasi en permanence, offrant à chaque instant des mouvements hip-hop. Les chanteurs évoluent au milieu d’eux. Tout le monde est  habillé façon streetstyle.

Néanmoins il faut le rappeler, nous sommes dans un opéra et pas dans une battle. La musique n’a pas été négligée, bien au contraire. C’est la fine fleur des chanteurs français qui est sur scène, avec des artistes comme Sabine Devieilhe, Julie Fuchs, Florent Sempey ou Stanislas de Barbeyrac. La qualité de leur chant est indéniable. Ils n’hésitent pas même à esquisser de temps en temps quelques pas de danse. L’orchestre,  dirigé de main de maître par Leonardo Garcia Alarcon, n’est autre que la réputée Capella Mediterranea. On oubliera pas de citer aussi la présence du fabuleux Chœur  de chambre de Namur. Cette mise en scène audacieuse alliée à une distribution musicale exceptionnelle font de cette création un événement. Petite touche finale, mais importante en ces temps de confinement, le site Arte Concert nous permet de le regarder depuis notre salon jusqu’au 9 octobre 2020 (pour les abonnés, il est aussi visible par la ressource numérique du BiblioPôle Médiathèque numérique).