« La relève de la soul britannique que le monde entier attend » : combien de stickers accrocheurs trouve-t-on sur nos boitiers cds, vantant les mérites plus ou moins fondés du premier (et parfois dernier…) album de « la nouvelle relève » ?
Et bien ici, les écoutes répétées du 1er opus de cette jeune artiste Jorja Smith ont résisté aux préjugés (à mes préjugés, en tout cas) inhérents aux premières rencontres avec une œuvre.
Car force est de constater que la miss, qui a mûrement réfléchi son projet avant de s’installer en studio, fait preuve d’une belle maturité et d’un sens de la formule « immédiate », avec des mélodies qui s’installent durablement dans vos têtes. J’oublie de vous dire qu’elle a fait ses armes avec Bruno Mars, Drake, Kendrick Lamar, Dizzee Rascal ; bref, une belle carte de visite avant de se lancer en solo.
Ce qui frappe en premier : sa voix. Un grain qui rappelle le meilleur de la nu-soul et une capacité à s’aventurer dans les aigus, sans en faire trop (révélant même une légère fêlure, ce qui en accentue le charme). On remarquera également une aisance à se balader entre les lignes rythmiques, qui reste la signature des plus grandes interprètes de ce style, d’Erykah Badu à Lauryn Hill (les références sont en place !). Mais la patte « Jorja Smith », c’est aussi ce langage imbibé du « slang » (= parlé) londonien, ajoutant une touche de sincérité à l’album.
Les compositions, co-écrites par miss Jorja herself, riches de textures élégamment construites, sont en prise directe avec le son d’une époque (folk urbain / trip-hop (back to the 90’S !) / raggamuffin / piano / groove léger /…). Les paroles sont des instantanées narrant un blues tout personnel et la mélancolie des amours perdus («Lost & found », « Teenage fantasy », « Wandering romance », « Goodbyes »), mêlés à des chroniques de vie londonienne, un titre en freestyle intitulé « Lifeboats » évoquant les laissés pour compte de la société, et « Blue lights » (l’un des plus beaux titre à mon sens), faisant allusion aux bavures policières…
Pas une faute de goût sur ce 1er album, qui sonne comme une évidence. Jorja Smith sait se placer à la marge du mainstream, prouvant qu’on peut encore produire un disque « pop / r’n’b» sans tomber dans le surfait. On attend déjà la suite pour mesurer le parcours de cette artiste décidément prometteuse (le sticker avait raison, pour une fois…).
Paru pourtant en juin 2018, cet album pourra ainsi s’incruster, sans dépareiller, dans la bande-son idéale de votre été (et des prochains !).