Origami harvest Ambrose Akinmusire

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Un quartet à cordes + un quartet jazz (claviers, trompette, saxo, batterie) + un rappeur. Autrement dit : du jazz contemporain, de la musique de chambre et du hip-hop… A priori, tous les ingrédients sont réunis pour qu’un tel projet sonne « trop » : trop prétentieux, trop indigeste, trop « fourre-tout »,…

Mais il faut bien tout le talent d’Ambrose Akinmusire, jeune trompettiste et compositeur jazz désormais reconnu (… et attendu, 4e album chez Blue Note), pour assumer cette ambition de réunir, sur un même disque, des lignes mélodiques, le recours au « groove » cher aux musiques afro-américaines et saupoudrer le tout de plages à la fois savamment écrits ou improvisés suivant les nécessités de chaque composition.
L’enjeu dépasse d’ailleurs le bon vieux disque de « jazz-rap » et les clichés d’usage, et c’est pourquoi l’ex-protégé de Steve Coleman a mis un an à bâtir sa partition, composée en 6 mouvements, et ainsi trouver une identité commune à tout ce maelstrom d’idées éparses, voir opposées par nature.

Ambrose Akinmusire fait preuve, tout au long de cette œuvre passionnante, d’une conscience aigüe des questions raciales, politiques et sociétales « in America-nah », pour paraphraser la litanie du rappeur Kool A.D. sur cet album. Ce projet se veut ainsi une formidable caisse de résonances au chaos américain actuel, sous le prisme kaléidoscopique de ses différents niveaux de lectures (des échos lointains de l’esclavagisme aux relents toujours actuels de la ségrégation…).

« Aux polarités érigées en modèles définitifs qui cherchent toujours plus à exclure les uns des autres, Ambrose Akinmusire parvient ainsi à établir des points de conjonction, pliant et tordant patiemment chacun des côtés pour reprendre la métaphore de l’origami, démultipliant ainsi les perspectives. » conclue ainsi très justement Jacques Denis (dans Libération), lorsqu’il évoque l’album.

En résumé : une œuvre intrigante, clairvoyante, jubilatoire par instants, apaisante aussi (car réconciliatrice), un disque total, qui force l’admiration, sans jamais être démonstratif…

Seul regret : que Blue Note n’a pas daigné éditer ce petit bijou en version vynil, car l’artwork réalisé par Joonbug (street artiste de Dallas) aurait bien mérité un grand format…